Semaine 2

Mercredi

Ces temps-ci passe une réclame à la télévision qui n'est pas sans me procurer quelques inquiétudes. Je ne sais plus quel produit est vanté mais le message est troublant. Durant toute le film, diverses personnes ont un pouvoir de transparence. L'une d'entre elle verse du café dans une tasse… et le café dégouline le long de la nappe ( qui est faite d'un très joli point de croix ). Une autre jeune femme, se regardant dans une glace, s'y voit largement dévêtue, presque dénudée. J'y ai vu comme un message très clair. Je suis cette tasse. Je suis cette robe. La chanson française me traverse. Je suis transparent. Je suis triste.
Hervé au téléphone ne veut pas m'écouter. Il a la migraine.
Michelle n'est pas là.
Je suis transparent.


Jeudi

Ai vu un film avec des GLADIATEURS.
Inutile dans dire davantage.
Très mauvaise nuit par la suite.


Vendredi

Je viens de lire dans "Femmes Actuelles" que de nombreux jeunes s'habillaient différemment le vendredi. On appelle ça le Friday Wear. C'est plus décontracté. Plus cool, si j'ose m'exprimer ainsi.
C'est ainsi qu'aujourd'hui, j'ai décidé de troquer mon costume Bobino 77 contre une tenue plus… olé olé.
De bas en haut, je porte :
Des chaussures de tennis Stan Smith
Des sockets Burlington écossaises écrues / prune
Un bermuda C&A d'apparence Hawaïenne
Une chemise en fine acrylique de chez Pierre Cardin
Un foulard de soie offert par Ivan Rebroff en 1976

Je suis très Friday Wear, finalement.


Samedi

Journée sans relief.
Impossible d'écrire la suite de "J'ai faim" ! Je crois que cette épizootie de fièvre aphteuse me fait peur. Ca doit être horrible de chanter avec des aphtes. J'ai décidé de ne plus manger de mouton.
J'ai faim… Des aphtes… Tout est buccal en ce moment
Soirée agréable autour de morceaux de fromages cuits avec mon fidèle collaborateur, Jean-Pascal Cave.


Dimanche

J'ai honte mais je ne suis pas allé à la messe. La soirée d'hier a été particulièrement arrosée. Je m'en suis immédiatement excusé auprès de l'abbé Desanges qui, dans sa grande bonté, m'a pardonné. Il m'a tout de même fait promettre de venir chanter pour la messe de Pâques.
" C'est pas tous les jours qu'on a Alain Barrière ! " m'a-t-il lancé.
Bien sûr, il plaisantait.
Coup de fil de Mauricette Molitor, mon assistante. Malade, ne vient pas demain. Je sens que je vais devoir aller moi-même aux commissions.


Lundi

J'ai demandé de l'aide à mon voisin Mimile pour qu'il me transporte. Quitte à devoir tout faire par moi-même, autant ne pas y aller avec le dos de la cuiller. En plus des courses à Codec, je passerai à l'ANPE de Gallardon pour faire valoir mes droits.
J'ai toujours peur qu'on m'y reconnaisse. C'est pourquoi, j'envois Mauricette Molitor toucher ma pension d'artiste intermittent. Mon public ne comprendrait pas pourquoi, alors que mes chansons sont diffusées partout dans le monde, que je vienne toucher un petit chèque relatif à mes prestations aux foires locales ou autres inaugurations de centre commerciaux. Pourtant, comme le disait Jean Raymond aux jeux de vingt heures : " ça mets du beurre dans les épinards ! "
De retour dans la soirée.
Humilié.


Mardi

Retour sur la journée d'hier, le recul en sus.
Les jeunes sont tous des cons.
La jeune dinde derrière sont comptoir à l'ANPE de Gallardon m'a choqué en cherchant mon dossier.
Revoyons la scène au ralenti.
Elle - Votre nom ?
Moi - Lequel, chère petite ? Celui que m'a donné Jacques Martin ?
Elle - C'est votre père ? Donc c'est Martin, votre nom ?
Moi - Je m'appelle Chagrin, Mademoiselle.
Elle - Ca doit pas être facile à porter.
Moi - ( Commençant à croire qu'elle ne plaisante pas ) A Bobino, on ne connaît que ça. Trouvez-vous mon dossier ?
Elle - Bah non, monsieur Bobino.
Moi - Chagrin.
Elle - C'est quoi votre métier, enfin quand vous travailler ?
Moi - Je donne du bonheur aux gens.
Elle - Comme Jean-Pierre Foucault ?
Moi - Si on veut.
( une foule considérable de 4 personnes s'impatientait dans notre dos )
Elle - Alors je cherche dans quoi ?
Moi - Artiste de variété, peut-être ?
Elle - Ah voilà ! ( elle venait de trouver ma fiche ) Chagrin. Jean-Gil. ( un temps) Vous étiez chanteur ?
Moi - Je le suis toujours.
Elle - Ma mère vous aimait bien. Elle vous croyait mort.

Le reste est anecdotique.
J'ai parfois envie de mourir.
La transparence est une réalité.

 

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